A lire, pour info et c'est également une belle leçon de vie
L'article a été publié dans la revue de la fédé, il y a 4 ans environ, je l'avais gardé et l'ai retrouvé en déballant les cartons....
Ames sensibles ne pas s'abstenir, c'est Happy End .....
Tout a commencé le dimanche 05 janvier 2003….
Notre chien husky Jigger, alors âgé de 8 ans et vivant à la maison éprouve quelques difficultés le soir à regagner la chambre située à l’étage.
En effet, en montant les marches nous remarquons que son train arrière montre des signes de faiblesse et à plusieurs reprises il semble rater les marches, ses pattes arrières paraissent ne plus le porter correctement.
Sur le moment, cela ne nous a pas inquiété car le matin même Jigger avait été attelé avec 4 autres vieux chiens (qui pouvaient encore travailler) et, étant le plus jeune, il avait tiré plus que les autres. Nous pensions qu’il avait trop donné ce jour là et qu’une bonne nuit de repos aurait tout effacé.
Le lendemain matin, lors de la promenade quotidienne en laisse, Jigger ne tirait pas sur la laisse comme d’habitude. Il semblait avancer comme un robot et de temps en temps il s’effondrait sur son train arrière. Dans notre esprit, il était encore fatigué de la veille car il avait vraiment beaucoup donné.
La journée du lundi, Jigger s’est reposé à la maison. Le soir il a mangé normalement et a éprouvé les mêmes difficultés que la veille pour monter les escaliers.
Le mardi soir, impossible de monter les escaliers. Il a fallu le porter pour le monter à l’étage. Il ne semblait pas souffrir.
Nous avons quand même appelé notre ami J M pour savoir s’il avait déjà rencontré ce genre de problème, compte tenu de son expérience et du nombre de chiens qu’il a vu passer dans sa carrière. Selon lui, il s’agirait peut-être d’une hernie discale due certainement à un effort soutenu. Il avait déjà vu ça sur un de ses chiens. Il suffisait d’attendre quelques jours et les symptômes devraient disparaitre.
Nous voilà un peu rassurés et nous attendons encore un peu avant de consulter le vétérinaire.
Le mercredi et le jeudi, ses pattes arrières ne pouvant plus le porter, nous avons passé une écharpe sous son abdomen de façon à le maintenir debout pour qu’il puisse faire ses besoins.
Le vendredi 10 janvier au matin, Jigger s’écroule, ses pattes ne pouvant plus le porter. Nous l’emmenons chez le vétérinaire qui ne voit pas ce dont il peut s’agir.
Des radios sont faites qui ne laissent rien apparaitre d’anormal.
Il faut donc passer un scanner. Le centre le plus proche est à Boulogne, nous obtenons un rendez-vous pour le 25 janvier.
Durant les deux semaines d’attente, l’angoisse montait de jours en jours : Jigger était complètement paralysé. Nous avons fait le tour, au téléphone, de nos connaissances dans le milieu musher pour savoir si quelqu’un avait connu ce genre de problème. En vain.
Le 25 janvier à 10h00 du matin, le Dr Keravel réalise sous anesthésie un scanner cérébral et du rachis cervical.
Selon lui, aucune lésion n’a été décelée et devant ce cas atypique, une éventuelle lésion nerveuse ne peut pas être exclue.
Une prise de sang est effectuée à la recherche de botulisme ou myasthénie. Pour cette dernière, l’échantillon de sang est envoyé aux USA. Il faut 2 semaines d’attente pour avoir les résultats.
Notre vétérinaire est complètement désarmé et nous conseille de nous adresser à l’Ecole Vétérinaire de Maison Alfort. Un ami nous conseille le Dr Thibaud, neurologue, mais nous ne réussissons pas à avoir de rendez-vous avant le 10 février.
Pendant ce temps, Jigger était toujours immobile, couché sur le tapis du salon. Il parvenait encore à remuer la tête et à s’alimenter à peu près normalement. Tous ses muscles étant paralysés, il ne pouvait plus faire ses besoins normalement. Il fallait avec un gant procéder à l’extraction de ses excréments car il lui était impossible de pousser pour évacuer.
Par contre, il était complètement incontinent. Une serviette éponge faisait office de couche permanente. A chaque pipi, il fallait le nettoyer et bien le sécher au sèche cheveux afin d’éviter tout risque d’irritation.
La nuit, Jigger dormait dans notre chambre au pied du lit, couché sur le côté, complètement immobile. Il fallait le retourner environ toutes les heures car il le réclamait en gémissant.
Le 10 février nous étions à Maison Alfort. Le Dr Thibaud nous reçoit à 13 heures. Après un examen approfondi et en silence d’environ 30 minutes, le Dr Thibaud se tourne vers nous et nous demande :
- « Aimez-vous vraiment beaucoup votre chien ?
- Oui bien sûr docteur
- Travaillez-vous tous les deux ?
- Non, Miléna ne travaille pas…
- Votre chien est atteint de polyradiculonévrite aigüe idiopathique, c’est une atteinte diffuse des racines des nerfs et des nerfs périphériques par dysfonctionnement de la myéline (gaine qui enrobe les fibres nerveuses). C’est une maladie très rare. Nous n’en connaissons pas la cause. Nous voyons une dizaine de cas par an. Le taux de guérison est de 20%. Dans 80 % des cas, les propriétaires font euthanasier leur chien car il n’y a pas de certitude que le traitement soit efficace ».
Afin de confirmer son diagnostic, le Dr Thibaud réalise une électromyographie et une ponction lombaire. Examens qui seront réalises le 18 février et qui confirmeront le diagnostic initial.
Entre temps, nous avions reçu le résultat des USA concernant la myasthénie : négatif.
Le diagnostic fait, il faut attendre entre 2 et 6 mois pour savoir si il y a possibilité de récupération….
Le 21 février, nous avons rendez-vous avec le Dr Sarah Rivière de l’Unité de Médecine de l’Elevage et du Sport de Maison Alfort qui nous explique qu’il faut procéder à une rééducation des muscles par électrothérapie afin d’éviter une atrophie des muscles durant la longue période de récupération (2 à 6 mois).
Nous avons donc loué un appareil d’électrostimulation neuromusculaire et procédé à des séances quotidiennes de 10 minutes par pattes que Jigger avait du mal à supporter : chaque muscle recevant à intervalle régulier une décharge électrique dont l’intensité devait être réglée au maximum supportable.
C’est alors que nous avons compris le sens des questions du Dr Thibaud et ce qui nous attendait durant les prochains mois….. Nous nous étions organisés en fonction de ces lourdes contraintes et essayions de gérer au mieux, notre objectif principal était que notre chien souffre le moins possible.
Jigger s’est alimenté presque normalement jusqu’à début mars. Il fallait quand même lui tenir la tête au-dessus de la gamelle mais il mangeait de moins en moins et perdait du poids. Un soir, il a refusé de s’alimenter, le lendemain également….
Notre vétérinaire nous a expliqué que Jigger n’avait plus envie de se battre et qu’il se laissait mourir malgré toute l’attention et l’amour qu’on lui portait.
Il fallait donc lui donner l’envie de se battre….. Nous avons donc décidé de l’emmener en forêt deux fois une demie heure par jour sur les chemins qu’il avait l’habitude de fréquenter lors des sorties ou entrainements.
Jigger était couché dans une brouette de chantier, recouvert par une couverture ne laissant dépasser que sa tête qu’il ne pouvait plus bouger depuis quelques jours.
Les gens qu’on croisait pensaient que j’allais enterrer mon chien en forêt et il fallait à chaque rencontre expliquer la situation. C’est vite devenu pénible.
Il était impératif que Jigger reprenne son alimentation : nous avons donc confectionné des boulettes faites d’un mélange de steak haché, jaune d’œuf, haricots verts et huile de colza. Il fallait lui enfoncer ces boulettes au fond de la gorge et l’aider à avaler par un léger massage de haut en bas. Il fallait renouveler l’opération plusieurs fois par jour car les quantités absorbées à chaque fois était infimes
Pour l’hydrater, on faisait couler de l’eau sucrée au fond de sa gorge avec une grosse seringue.
Tout cela a permis de maintenir son poids autour des 15 kg (23 kg avant sa maladie)
Notre chien était un véritable squelette, malgré les séances d’électrostimulation, les muscles avaient complètement fondus et il n’avait plus que la peau sur les os.
Le 7 mars, notre vétérinaire avec qui nous étions restés en contact et qui s’était documenté sur la maladie nous propose de commencer un traitement de Cortancyl (corticoïde). Traitement qui avait été écarté par le Dr Thibaud lors de notre seconde visite à Maison Alfort. Nous en ignorons la raison.
Tout le mois de mars, nous l’avons vécu repliés sur nous-mêmes. Nous avions du emmené Canack âgé de 15 ans et 8 mois chez notre vétérinaire pour son dernier voyage….. Nous attendions un signe d’amélioration qui tardait à se manifester….
Le 10 avril, nous décidons de partir pour 10 jours en Italie chez le père de Miléna, avec tous nos chiens, dans l’espoir que ce voyage permettrait à Jigger de retrouver un peu de goût à la vie.
Le 11 avril, lors d’une pause sur la route, Jigger couché dans l’herbe s’est mis à remuer de façon à peine perceptible le bout des pattes. C’était le signe que nous attendions !
Le 12 avril, nous avions laissé tous les chiens à la stake pour aller faire quelques courses. Jigger était couché dans l’herbe devant le camping car à une dizaine de mètres. A notre retour, Jigger était au milieu de la stake. Il avait réussi à ramper pour rejoindre sa place avec les autres chiens et se tenait couché la tête redressée !
Le déclic s’était enfin produit, Jigger avait rejoint sa meute et semblait fier de lui.
Tout le reste de la semaine, nous l’éloignons de la stake afin qu’il puisse la regagner par ses propres moyens. Cet exercice ayant pour but de lui remuscler les épaules. Tenir debout, lui était encore impossible.
Entre-temps, Jigger avait retrouvé l’appétit et s’alimentait de nouveau seul.
A notre retour d’Italie, l’espoir était revenu et le soleil brillait de nouveau. Jigger se déplaçait dans la maison en rampant. Plusieurs fois dans la journée, nous tentions de le faire tenir debout en le soutenant, en vain.
Le 30 avril au matin, pour la première fois, Jigger parvint à se lever avec notre aide et à tenir quelques secondes debout avec notre aide.
Le 5 mai, il réussit à faire quelques pas, avec notre aide. Le 7, à 10h30, Milena se retourne : Jigger s’était levé seul et essayait d’avancer en titubant…
Il était capable, désormais de remuer ses membres et de soutenir son poids. Le processus de récupération était engagé mais il fallait reconstituer sa musculature. Nous entrions alors dans la phase de rééducation.
Le Dr Rivière nous avait dit : « Dès que votre chien commencera à se lever, il faudra l’emmener à la clinique 3 à 4 fois par semaine pour des séances de rééducation en piscine ». L’hydrothérapie permet au chien de faire de l’exercice sans imposer de traumatismes supplémentaires au niveau articulaire ou osseux, une grande partie du poids du chien est porté par l’eau. De plus, lorsque le chien nage, il a une activité intense qui lui permet de se muscler et de renforcer sa capacité cardio-respiratoire. L’eau, quand elle n’est pas froide, relaxe les tissus ce qui permet au chien de mieux mobiliser ses articulations. Et le fait que l’animal soit placé dans un milieu inhabituel, le stimule à réaliser des mouvements qu’il ne fait pas au sol……
Nous avons décidé de procéder nous-mêmes à ces séances de rééducation, Maison Alfort, étant situé trop loin de notre domicile. Heureusement, le mois de mai 2003 était plutôt chaud et l’eau de notre piscine mise en route 8 jours plus tôt était déjà à 19°.
Grâce à un système d’attache et un harnais de notre conception, nous avons pu commencé la rééducation. Au début, nous faisions nager Jigger sur place en le maintenant par le harnais, puis très vite nous l’avons débarrassé du harnais et nous lui faisions faire plusieurs fois le tour de la piscine simplement accroché à la laisse, et ce pendant 5 à 10 minutes, 2 à 3 fois par jour.
Il ne paraissait pas souffrir. Au contraire, il paraissait même prendre du plaisir, content de pouvoir remuer librement.
Les progrès furent fulgurants. Au bout de quelques jours seulement, sa masse musculaire commençait à se reconstituer. Il parvenait à faire quelques mètres en marchant en laisse et chaque jour nous lui faisions faire 10 mètres supplémentaires au prix d’un gros effort ; car autant dans l’eau il nageait avec facilité, autant les premières promenades furent laborieuses et pénibles pour lui mais quel bonheur pour nous de le voir marcher à nouveau….
Le 12 mai, Jigger réussit à faire l’aller-retour jusqu’à la forêt soit 300 mètres.
Plus les jours passaient, plus les promenades s’allongeaient.
Fin juin, nous pouvions considérer que Jigger avait récupéré à 100% car il était capable de courir plusieurs kms sans interruption et sans fatigue apparente.
En septembre, nous avons repris les entrainements, et Jigger retrouvé sa place de chien de tête de l’attelage.
Maintenant, Jigger est âgé de 11 ans et demi et coule des jours paisibles. Il est en bonne santé et rien ne laisse montrer sa mise en parenthèse de presque 6 mois. En février dernier (2006), à La Pesse, il était encore attelé tous les jours environ sur 15 kms.
Nous avons traversé une épreuve longue et difficile, avec plus souvent des bas que des hauts, mais à aucun moment nous n’avons eu l’idée d’abandonner, l’amour pour notre chien étant trop fort.
Par manque d’information, nous pensons que bon nombre aurait baissé les bras ne supportant pas de voir son animal dépérir sans espoir de guérison.
Cette maladie extrêmement rare n’est à souhaiter à aucun chien. Si nous avons tenu à en faire le récit détaillé c’est pour faire savoir qu’elle existe, qu’elle peut frapper à n’importe quel moment mais surtout qu’elle n’est pas invincible. Avec beaucoup d’amour, pas mal de patience et d’organisation, il est possible de la combattre et de la vaincre.
La récompense est immense et quotidienne. A chaque promenade en forêt, chaque randonnée à la neige ou tout simplement le soir dans le salon couché à nos pieds, Jigger est là, les yeux plein d’amour, encore plus fidèle qu’avant et nous ne le remercierons jamais assez d’être encore avec nous aujourd’hui.
Ce récit est dédié à Anouk, Hutch, Dawson, Canak, Chirow, Esquimau et Ennis, chiens de traineau, aujourd’hui disparus mais tellement présents dans notre mémoire.
Le 19/06/2006
Miléna et Jean-Luc
L'article a été publié dans la revue de la fédé, il y a 4 ans environ, je l'avais gardé et l'ai retrouvé en déballant les cartons....
Ames sensibles ne pas s'abstenir, c'est Happy End .....
Tout a commencé le dimanche 05 janvier 2003….
Notre chien husky Jigger, alors âgé de 8 ans et vivant à la maison éprouve quelques difficultés le soir à regagner la chambre située à l’étage.
En effet, en montant les marches nous remarquons que son train arrière montre des signes de faiblesse et à plusieurs reprises il semble rater les marches, ses pattes arrières paraissent ne plus le porter correctement.
Sur le moment, cela ne nous a pas inquiété car le matin même Jigger avait été attelé avec 4 autres vieux chiens (qui pouvaient encore travailler) et, étant le plus jeune, il avait tiré plus que les autres. Nous pensions qu’il avait trop donné ce jour là et qu’une bonne nuit de repos aurait tout effacé.
Le lendemain matin, lors de la promenade quotidienne en laisse, Jigger ne tirait pas sur la laisse comme d’habitude. Il semblait avancer comme un robot et de temps en temps il s’effondrait sur son train arrière. Dans notre esprit, il était encore fatigué de la veille car il avait vraiment beaucoup donné.
La journée du lundi, Jigger s’est reposé à la maison. Le soir il a mangé normalement et a éprouvé les mêmes difficultés que la veille pour monter les escaliers.
Le mardi soir, impossible de monter les escaliers. Il a fallu le porter pour le monter à l’étage. Il ne semblait pas souffrir.
Nous avons quand même appelé notre ami J M pour savoir s’il avait déjà rencontré ce genre de problème, compte tenu de son expérience et du nombre de chiens qu’il a vu passer dans sa carrière. Selon lui, il s’agirait peut-être d’une hernie discale due certainement à un effort soutenu. Il avait déjà vu ça sur un de ses chiens. Il suffisait d’attendre quelques jours et les symptômes devraient disparaitre.
Nous voilà un peu rassurés et nous attendons encore un peu avant de consulter le vétérinaire.
Le mercredi et le jeudi, ses pattes arrières ne pouvant plus le porter, nous avons passé une écharpe sous son abdomen de façon à le maintenir debout pour qu’il puisse faire ses besoins.
Le vendredi 10 janvier au matin, Jigger s’écroule, ses pattes ne pouvant plus le porter. Nous l’emmenons chez le vétérinaire qui ne voit pas ce dont il peut s’agir.
Des radios sont faites qui ne laissent rien apparaitre d’anormal.
Il faut donc passer un scanner. Le centre le plus proche est à Boulogne, nous obtenons un rendez-vous pour le 25 janvier.
Durant les deux semaines d’attente, l’angoisse montait de jours en jours : Jigger était complètement paralysé. Nous avons fait le tour, au téléphone, de nos connaissances dans le milieu musher pour savoir si quelqu’un avait connu ce genre de problème. En vain.
Le 25 janvier à 10h00 du matin, le Dr Keravel réalise sous anesthésie un scanner cérébral et du rachis cervical.
Selon lui, aucune lésion n’a été décelée et devant ce cas atypique, une éventuelle lésion nerveuse ne peut pas être exclue.
Une prise de sang est effectuée à la recherche de botulisme ou myasthénie. Pour cette dernière, l’échantillon de sang est envoyé aux USA. Il faut 2 semaines d’attente pour avoir les résultats.
Notre vétérinaire est complètement désarmé et nous conseille de nous adresser à l’Ecole Vétérinaire de Maison Alfort. Un ami nous conseille le Dr Thibaud, neurologue, mais nous ne réussissons pas à avoir de rendez-vous avant le 10 février.
Pendant ce temps, Jigger était toujours immobile, couché sur le tapis du salon. Il parvenait encore à remuer la tête et à s’alimenter à peu près normalement. Tous ses muscles étant paralysés, il ne pouvait plus faire ses besoins normalement. Il fallait avec un gant procéder à l’extraction de ses excréments car il lui était impossible de pousser pour évacuer.
Par contre, il était complètement incontinent. Une serviette éponge faisait office de couche permanente. A chaque pipi, il fallait le nettoyer et bien le sécher au sèche cheveux afin d’éviter tout risque d’irritation.
La nuit, Jigger dormait dans notre chambre au pied du lit, couché sur le côté, complètement immobile. Il fallait le retourner environ toutes les heures car il le réclamait en gémissant.
Le 10 février nous étions à Maison Alfort. Le Dr Thibaud nous reçoit à 13 heures. Après un examen approfondi et en silence d’environ 30 minutes, le Dr Thibaud se tourne vers nous et nous demande :
- « Aimez-vous vraiment beaucoup votre chien ?
- Oui bien sûr docteur
- Travaillez-vous tous les deux ?
- Non, Miléna ne travaille pas…
- Votre chien est atteint de polyradiculonévrite aigüe idiopathique, c’est une atteinte diffuse des racines des nerfs et des nerfs périphériques par dysfonctionnement de la myéline (gaine qui enrobe les fibres nerveuses). C’est une maladie très rare. Nous n’en connaissons pas la cause. Nous voyons une dizaine de cas par an. Le taux de guérison est de 20%. Dans 80 % des cas, les propriétaires font euthanasier leur chien car il n’y a pas de certitude que le traitement soit efficace ».
Afin de confirmer son diagnostic, le Dr Thibaud réalise une électromyographie et une ponction lombaire. Examens qui seront réalises le 18 février et qui confirmeront le diagnostic initial.
Entre temps, nous avions reçu le résultat des USA concernant la myasthénie : négatif.
Le diagnostic fait, il faut attendre entre 2 et 6 mois pour savoir si il y a possibilité de récupération….
Le 21 février, nous avons rendez-vous avec le Dr Sarah Rivière de l’Unité de Médecine de l’Elevage et du Sport de Maison Alfort qui nous explique qu’il faut procéder à une rééducation des muscles par électrothérapie afin d’éviter une atrophie des muscles durant la longue période de récupération (2 à 6 mois).
Nous avons donc loué un appareil d’électrostimulation neuromusculaire et procédé à des séances quotidiennes de 10 minutes par pattes que Jigger avait du mal à supporter : chaque muscle recevant à intervalle régulier une décharge électrique dont l’intensité devait être réglée au maximum supportable.
C’est alors que nous avons compris le sens des questions du Dr Thibaud et ce qui nous attendait durant les prochains mois….. Nous nous étions organisés en fonction de ces lourdes contraintes et essayions de gérer au mieux, notre objectif principal était que notre chien souffre le moins possible.
Jigger s’est alimenté presque normalement jusqu’à début mars. Il fallait quand même lui tenir la tête au-dessus de la gamelle mais il mangeait de moins en moins et perdait du poids. Un soir, il a refusé de s’alimenter, le lendemain également….
Notre vétérinaire nous a expliqué que Jigger n’avait plus envie de se battre et qu’il se laissait mourir malgré toute l’attention et l’amour qu’on lui portait.
Il fallait donc lui donner l’envie de se battre….. Nous avons donc décidé de l’emmener en forêt deux fois une demie heure par jour sur les chemins qu’il avait l’habitude de fréquenter lors des sorties ou entrainements.
Jigger était couché dans une brouette de chantier, recouvert par une couverture ne laissant dépasser que sa tête qu’il ne pouvait plus bouger depuis quelques jours.
Les gens qu’on croisait pensaient que j’allais enterrer mon chien en forêt et il fallait à chaque rencontre expliquer la situation. C’est vite devenu pénible.
Il était impératif que Jigger reprenne son alimentation : nous avons donc confectionné des boulettes faites d’un mélange de steak haché, jaune d’œuf, haricots verts et huile de colza. Il fallait lui enfoncer ces boulettes au fond de la gorge et l’aider à avaler par un léger massage de haut en bas. Il fallait renouveler l’opération plusieurs fois par jour car les quantités absorbées à chaque fois était infimes
Pour l’hydrater, on faisait couler de l’eau sucrée au fond de sa gorge avec une grosse seringue.
Tout cela a permis de maintenir son poids autour des 15 kg (23 kg avant sa maladie)
Notre chien était un véritable squelette, malgré les séances d’électrostimulation, les muscles avaient complètement fondus et il n’avait plus que la peau sur les os.
Le 7 mars, notre vétérinaire avec qui nous étions restés en contact et qui s’était documenté sur la maladie nous propose de commencer un traitement de Cortancyl (corticoïde). Traitement qui avait été écarté par le Dr Thibaud lors de notre seconde visite à Maison Alfort. Nous en ignorons la raison.
Tout le mois de mars, nous l’avons vécu repliés sur nous-mêmes. Nous avions du emmené Canack âgé de 15 ans et 8 mois chez notre vétérinaire pour son dernier voyage….. Nous attendions un signe d’amélioration qui tardait à se manifester….
Le 10 avril, nous décidons de partir pour 10 jours en Italie chez le père de Miléna, avec tous nos chiens, dans l’espoir que ce voyage permettrait à Jigger de retrouver un peu de goût à la vie.
Le 11 avril, lors d’une pause sur la route, Jigger couché dans l’herbe s’est mis à remuer de façon à peine perceptible le bout des pattes. C’était le signe que nous attendions !
Le 12 avril, nous avions laissé tous les chiens à la stake pour aller faire quelques courses. Jigger était couché dans l’herbe devant le camping car à une dizaine de mètres. A notre retour, Jigger était au milieu de la stake. Il avait réussi à ramper pour rejoindre sa place avec les autres chiens et se tenait couché la tête redressée !
Le déclic s’était enfin produit, Jigger avait rejoint sa meute et semblait fier de lui.
Tout le reste de la semaine, nous l’éloignons de la stake afin qu’il puisse la regagner par ses propres moyens. Cet exercice ayant pour but de lui remuscler les épaules. Tenir debout, lui était encore impossible.
Entre-temps, Jigger avait retrouvé l’appétit et s’alimentait de nouveau seul.
A notre retour d’Italie, l’espoir était revenu et le soleil brillait de nouveau. Jigger se déplaçait dans la maison en rampant. Plusieurs fois dans la journée, nous tentions de le faire tenir debout en le soutenant, en vain.
Le 30 avril au matin, pour la première fois, Jigger parvint à se lever avec notre aide et à tenir quelques secondes debout avec notre aide.
Le 5 mai, il réussit à faire quelques pas, avec notre aide. Le 7, à 10h30, Milena se retourne : Jigger s’était levé seul et essayait d’avancer en titubant…
Il était capable, désormais de remuer ses membres et de soutenir son poids. Le processus de récupération était engagé mais il fallait reconstituer sa musculature. Nous entrions alors dans la phase de rééducation.
Le Dr Rivière nous avait dit : « Dès que votre chien commencera à se lever, il faudra l’emmener à la clinique 3 à 4 fois par semaine pour des séances de rééducation en piscine ». L’hydrothérapie permet au chien de faire de l’exercice sans imposer de traumatismes supplémentaires au niveau articulaire ou osseux, une grande partie du poids du chien est porté par l’eau. De plus, lorsque le chien nage, il a une activité intense qui lui permet de se muscler et de renforcer sa capacité cardio-respiratoire. L’eau, quand elle n’est pas froide, relaxe les tissus ce qui permet au chien de mieux mobiliser ses articulations. Et le fait que l’animal soit placé dans un milieu inhabituel, le stimule à réaliser des mouvements qu’il ne fait pas au sol……
Nous avons décidé de procéder nous-mêmes à ces séances de rééducation, Maison Alfort, étant situé trop loin de notre domicile. Heureusement, le mois de mai 2003 était plutôt chaud et l’eau de notre piscine mise en route 8 jours plus tôt était déjà à 19°.
Grâce à un système d’attache et un harnais de notre conception, nous avons pu commencé la rééducation. Au début, nous faisions nager Jigger sur place en le maintenant par le harnais, puis très vite nous l’avons débarrassé du harnais et nous lui faisions faire plusieurs fois le tour de la piscine simplement accroché à la laisse, et ce pendant 5 à 10 minutes, 2 à 3 fois par jour.
Il ne paraissait pas souffrir. Au contraire, il paraissait même prendre du plaisir, content de pouvoir remuer librement.
Les progrès furent fulgurants. Au bout de quelques jours seulement, sa masse musculaire commençait à se reconstituer. Il parvenait à faire quelques mètres en marchant en laisse et chaque jour nous lui faisions faire 10 mètres supplémentaires au prix d’un gros effort ; car autant dans l’eau il nageait avec facilité, autant les premières promenades furent laborieuses et pénibles pour lui mais quel bonheur pour nous de le voir marcher à nouveau….
Le 12 mai, Jigger réussit à faire l’aller-retour jusqu’à la forêt soit 300 mètres.
Plus les jours passaient, plus les promenades s’allongeaient.
Fin juin, nous pouvions considérer que Jigger avait récupéré à 100% car il était capable de courir plusieurs kms sans interruption et sans fatigue apparente.
En septembre, nous avons repris les entrainements, et Jigger retrouvé sa place de chien de tête de l’attelage.
Maintenant, Jigger est âgé de 11 ans et demi et coule des jours paisibles. Il est en bonne santé et rien ne laisse montrer sa mise en parenthèse de presque 6 mois. En février dernier (2006), à La Pesse, il était encore attelé tous les jours environ sur 15 kms.
Nous avons traversé une épreuve longue et difficile, avec plus souvent des bas que des hauts, mais à aucun moment nous n’avons eu l’idée d’abandonner, l’amour pour notre chien étant trop fort.
Par manque d’information, nous pensons que bon nombre aurait baissé les bras ne supportant pas de voir son animal dépérir sans espoir de guérison.
Cette maladie extrêmement rare n’est à souhaiter à aucun chien. Si nous avons tenu à en faire le récit détaillé c’est pour faire savoir qu’elle existe, qu’elle peut frapper à n’importe quel moment mais surtout qu’elle n’est pas invincible. Avec beaucoup d’amour, pas mal de patience et d’organisation, il est possible de la combattre et de la vaincre.
La récompense est immense et quotidienne. A chaque promenade en forêt, chaque randonnée à la neige ou tout simplement le soir dans le salon couché à nos pieds, Jigger est là, les yeux plein d’amour, encore plus fidèle qu’avant et nous ne le remercierons jamais assez d’être encore avec nous aujourd’hui.
Ce récit est dédié à Anouk, Hutch, Dawson, Canak, Chirow, Esquimau et Ennis, chiens de traineau, aujourd’hui disparus mais tellement présents dans notre mémoire.
Le 19/06/2006
Miléna et Jean-Luc